Femme de 69 ans

Lorsque je pense à mon enfance, je me revois toute fragile, anxieuse, timide. Je me sentais renfermée, apeurée. Au moment du coucher, j'avais peur. Je me disais : « il va venir dans mon lit ». Je me mettais en boule et je prenais toutes les couvertures et je m'abrillais par-dessus la tête : chose que je fais encore. Ça me prend toujours une veilleuse pour la nuit. J'ai même comme eu une perte de mémoire. Je voulais oublier. Malheureusement, c'est revenu me hanter. Tôt ou tard, ça refait surface. Vers jeune adulte, ça a été pire. J'ai fais une dépression, jusqu'aux idées de suicide. Je me suis même mutilée. Je ne voyais plus d'issue. Étant enfant, je ne pouvais pas en parler. Je me sentais coupable d'avoir fait de quoi de mal! J'étais impuissante.
Maintenant, avec du soutien moral, je vois les choses différemment. Et je me pardonne de m'être sentie coupable. Ça m'apporte plus de sécurité et de force. Je garderais toujours cette cicatrice au fond de moi, mais maintenant, je peux effacer ce bobo.

Victime anonyme

Ce processus a commencé pour moi au mois de mai 2021. J'avais 22 ans. L'image de son visage apparaissait souvent dans ma tête. Je vivais seulement deux émotions. Une tristesse profonde et une colère noire de repenser à ce qu'il m'avait fait. Je ressentais surtout de la colère de penser encore à lui, après 3 ans de l'agression. Déception, tristesse, dégoût, rage, sentiment d'injustice, sentiment de trahison (parce que malheureusement c'est une personne en qui j'avais confiance qui m'a violée). Si vous saviez toutes les émotions que j'ai ressentis et une intensité tellement forte... J'étais mêlée sur ''comment je devais me sentir?'', mais surtout quoi faire avec toutes ses émotions refoulées et ces quelques souvenirs qui me revenaient de lui et de cet épisode de ma vie.

Je repensais aussi à comment cela a affecté ma vie par la suite ... Toutes les conséquences sur mon estime de moi, ma confiance, mon rapport avec les hommes et ça allait même jusqu'à la confiance que j'accordais aux gens (amies) lorsqu'elles devenaient proches de moi sans être intimes avec moi. Je voulais juste partir en courant quand quelqu'un devenait un bon ou une bonne amie avec moi. J'avais peur qu'on me fasse du mal si j'accordais ma confiance à quelqu'un à nouveau. J'étais très anxieuse. La tristesse et la colère étaient tellement intenses que je n'étais plus fonctionnelle lorsque les souvenirs ou émotions revenaient. J'étais irritable et je voulais juste m'isoler dans ma chambre et pleurer pendant des heures. J'avais l'impression de revivre toutes mes émotions comme suite à mon agression. Je ne savais plus quoi faire et à qui en parler.

C'est là que j'ai décidé d'aller le dénoncer. J'ai contacté le poste de police de ma ville. J'ai pris rdv et je suis allé déposer ma plainte. En même temps, j'ai contacté le CAVAS et le CAVAC qui m'ont aidée et soutenue dans mes démarches judiciaires. J'ai ensuite commencé mon suivi au CAVAS avec une intervenante. Elle a été là et m'a soutenue et outillée à chaque fois que j'en avais besoin. Ce n'était pas facile pour moi , car je devais à chaque fois raconter mon histoire aux différents professionnels du système de justice en plus de commencer mon processus de guérison. Puis, j'ai fait ma déposition filmée au poste des policiers, à la fin du mois de juillet.

Pour moi, avoir parlé avec l'intervenante de cet organisme m'a énormément aidé. J'ai vu les répercussions positives dans ma vie personnelle, mais surtout dans ma vie professionnelle. Je ne voulais plus aller travailler ou je refusais des opportunités d'emploi, car je pensais trop à l'agression et les souvenirs de cela m'affectaient trop au point de ne plus vouloir m'impliquer autant comme j'aurais voulu dans mon emploi. Je ne me sentais pas disponible mentalement.

Aussi, j'ai grandi au niveau personnel. J'ai accepté des choses. J'ai compris mes droits. J'ai clarifié mes limites et ce que je voulais atteindre comme but à travers ce processus. J'ai découvert des choses sur moi (qualités). J'ai surtout intégré ce qui m'est arrivée et j'ai compris que j'avais le droit à mes émotions et que c'était moi la victime et que mon agresseur n'était pas une victime de moi parce que j'en parlais avec quelqu'un ou à la police.

J'ai trouvé une place sécuritaire, bienveillante et accueillante à mes émotions et à ma personne. Mon intervenante m'a pris comme j'étais et m'a guidée et outillée en conséquence. Elle a su bien me saisir et m'a aussi aidé indirectement à évoluer et à avancer. C'était la personne à qui je pouvais parler sans avoir peur de devoir m'expliquer et de recevoir des commentaires qui banalisaient ce que j'avais vécu.

Maintenant, je me sens beaucoup mieux et beaucoup plus forte. L'IVAC, m'a permis de suivre une thérapie avec une sexologue depuis un mois. Puis, je réalise que ce qui m'a beaucoup aidé à avancer a été les séances que j'ai eu à l'organisme. Tous les gens qui m'ont accompagné m'ont préparé à ce processus, mais aussi à mon processus judiciaire.

Nous sommes en janvier 2022, le garçon qui m'a agressé va comparaître ce mois-ci devant le juge. Il sera accusé de violence conjugale et d'agression sexuelle par un procureur.

J'ai décidé d'entreprendre toutes ces démarches pour me guérir et aller mieux. Aussi, car j'ai un besoin de justice et j'aimerai sensibiliser les gens sur la violence conjugale et les agressions sexuelles, que ce n'est pas juste aux autres que ça arrive et qu'il y a beaucoup plus de gens qu'on ne se doute pas qui souffrent des conséquences des agressions sexuelles.

Je me suis très longtemps sentie seule, car je pensais être la seule à vivre ça, mais je me suis rendu compte que je pouvais m'en sortir quand même avec le soutien des intervenants et de mes amis dans ce cas.

Aussi, j'aimerai que les choses changent...Aux personnes qui lisent ce témoignage, peu importe si vous êtes victimes ou pas, éduquez-vous sur le sujet cela fera une énorme différence dans la société. J'en ai la preuve, mon processus judiciaire a été beaucoup plus rapide (en 1 an j'ai franchi plusieurs étapes) que ce qu'on m'avait dit, car les gens sont plus sensibilisés sur le sujet. J'espère que ce témoignage pourra aider quelqu'un d'autre qui comme moi se sentait et qui se sent parfois encore démunie parce que moi ça m'a aidé de lire des témoignages. Cela m'a permis de me sentir moins seule.

Pour finir, ce qui m'a aidé à aller mieux a été de m'écouter. Écouter mes besoins. Si vous êtes quelqu'un qui n'a pas besoin de dénoncer c'est correct et le contraire et tout aussi valable. Tout est valable tant que c'est ce qui vous fera sentir en paix.

Un gros MERCI à mon intervenante. Elle a fait une différence dans mon processus (beaucoup plus grande que je pensais).

Anonyme